Tendances en matière de fraude dans le eCommerce, post-COVID

Entretien avec Megan Blissick de Signifyd

Un entretien avec Megan Blissick de Signifyd.

Après une ronde de financement de 205 millions de dollars en avril dernier, Signifyd, un fournisseur de l’une des plus importantes solutions de lutte contre la fraude dans le eCommerce, suit de près l’évolution du comportement des consommateurs.

Nous nous sommes entretenus avec Megan Blissick de Signifyd au sujet des habitudes des consommateurs en cette nouvelle ère, et de ce qu’elles signifient pour les commerçants. Dans cette entrevue, Mme Blissick aborde : 

  1. Le changement permanent qui caractérise les nouveaux comportements des clients. 
  2. Comment la fraude continue d’être un problème majeur (qui a atteint six fois les niveaux prépandémiques pendant le confinement initial et qui s’établit maintenant à trois fois les niveaux prépandémiques).
  3. Comment Signifyd aide les commerçants à optimiser leurs revenus au-delà des frontières et grâce à la vente directe aux consommateurs.  

L’évolution des modèles commerciaux


Absolunet : Indy Guha, le chef du marketing chez Signifyd, a communiqué des chiffres assez époustouflants lors de votre événement annuel Flow : 

  • En un an seulement, le taux de croissance moyen du chiffre d’affaires a atteint 50 % pour le eCommerce et 120 % pour le numérique. 
  • Le direct au consommateur (D2C) est passé de moins de 10 % à 30 % des activités.
  • Le commerce transfrontalier est passé de 5 % à plus de 10 %.

Megan, comment l’équipe de Signifyd a-t-elle colligé ces données? Et comment avez-vous réagi en voyant ces chiffres?

 

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Megan Blissick : Signifyd travaille avec au-delà de 10 000 commerçants dans plus de 100 pays. Ainsi, lorsque la pandémie a frappé, nous avons pu prendre le pouls de leurs activités en mettant en place notre tableau de bord SignifydPulse. Ce tableau porte sur 13 secteurs d’activité, comme la décoration intérieure, les articles de sport, etc. Au cours des premières semaines de confinement, nous avons vu certaines catégories prendre de l’expansion de façon spectaculaire, alors que d’autres coulaient à pic. Par exemple, les produits de luxe ont dégringolé, les achats de vêtements de moins de 250 dollars ont reculé, mais les loisirs et les activités de plein air ont grimpé en flèche.

Nous avons constaté globalement une migration de masse vers le eCommerce. Rien de surprenant : il n’y avait pas d’autre moyen de faire des achats! 

Il était donc clair que l’équipe de Signifyd devait redoubler d’efforts pour s’assurer que ses clientes aillent des stratégies de eCommerce bien étoffées – d'ailleurs, les commerçants qui avaient déjà mis en place les bases de l’omnicanalité étant les mieux préparés à s’adapter. 

21 % des acheteurs ne veulent plus se rendre en magasin – et autres tendances


Absolunet :
Les comportements des clients ont changé de manière permanente et les clients ont désormais des attentes plus élevées. Selon Signifyd : 

  • 21 % des acheteurs ne veulent plus faire leurs achats en magasin. 
  • 50 % veulent réduire le temps passé en magasin.
  • La moitié vont continuer à faire leurs achats en ligne.
  • Le tiers optent volontiers pour le BOPIS (achat en ligne avec collecte en magasin), tandis qu’au plus fort du confinement, 80 % des commandes étaient réceptionnées par collecte en bordure de trottoir. Cette proportion a depuis redescendu à 40 %.
  • Le quart des consommateurs veulent recourir à la collecte en bordure de trottoir.


Megan Blissick :
La collecte en bordure de trottoir est un excellent exemple des attentes plus élevées des clients. Nous avons entendu parler d’un grand détaillant d’articles de sport qui a mis un panneau dans sa vitrine disant « Appelez ce numéro et nous vous apporterons votre commande ». La collecte en bordure de trottoir est ainsi devenue une option à laquelle les clients s’attendent. Même les épiceries le font!

Voilà qui souligne l’importance d’écouter ses clients et de s’adapter à leurs besoins. En fait, de telles expériences omnicanales et multicanales sont exigées par les clients depuis un certain temps déjà. 

Les fausses réclamations des consommateurs sont cinq fois plus nombreuses qu’avant la pandémie – et autres tendances en matière de fraude


Absolunet :
Signifyd fait état qu’à certains moments de l’année dernière, la fraude a atteint six fois les niveaux prépandémiques et s’établit actuellement à trois fois les niveaux prépandémiques. 

Signifyd a également souligné que la nature de la fraude changeait : 

  • On observe 146 % plus d’attaques de robots envers les systèmes pour les faire craquer sous la pression. 
  • Les abus des consommateurs (fausses réclamations concernant des articles non reçus, des articles livrés endommagés ou des articles ne correspondant pas à la description) ont été multipliés par cinq par rapport aux niveaux antérieurs à la pandémie.
  • La logistique de retour est mise sous pression par les « demandeurs professionnels de remboursement » (professional refunders). 
  • Enfin, il y a 13 % des consommateurs qui déclarent ne voir aucun problème à voler les entreprises.


Megan, pouvez-vous nous en dire plus long là-dessus? Qu’est-ce que la fraude amicale

 

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Megan Blissick :
Pour résumer, disons qu’il y a le type de fraude typique que nous connaissons tous, comme lorsque quelqu’un vole votre carte de crédit et effectue des achats avec celle-ci. Mentionnons aussi la prise de contrôle d’un compte lorsque quelqu’un découvre le mot de passe, évince l’utilisateur légitime et achète des articles avec les informations enregistrées.

 

Toutefois, il existe également un autre type de fraude. On parle ici d’acheteurs légitimes, mais qui adoptent un comportement douteux. La fraude dite « amicale » a vraiment augmenté pendant la pandémie – les deux réclamations les plus courantes étant « article non reçu » (11 % du volume des rétrofacturations) et « sensiblement différent de la description » (8 % du volume). 

C’est une dynamique délicate à gérer. Bon nombre d’articles sont désormais réceptionnés (ou volés) à partir d’un balcon ou d’un hall d’immeuble. Les commerçants risquent donc de faire un affront grave à un client en lui disant « Je pense que vous mentez ». Si on lui refuse un règlement, ce client pourrait se retrouver dépouillé de son argent, tout en étant privé de son produit. On peut aisément imaginer qu’il sera furieux. Il faut donc faire preuve de délicatesse et de bienveillance envers un tel client. 

Du point de vue du commerçant, il y a risque de perte au niveau du produit comme des revenus, mais Signifyd a su trouver une solution. Nous avons en effet commencé à offrir une couverture pour les réclamations concernant les « articles non reçus ». Lorsqu’un article supposément non reçu est réclamé, nous couvrons la totalité des frais, mais effectuons aussi une enquête de rétrofacturation pour déterminer si la réclamation est légitime ou frauduleuse. Cela permet aux commerçants de se prémunir contre la colère éventuelle de leurs clients tout en protégeant leurs revenus.

Lutte contre la fraude transfrontalière


Absolunet : Les ventes transfrontalières étant passées de 5 % à plus de 10 %, ce type de garantie est donc vraiment à même d’assurer la tranquillité d’esprit des commerçants. 

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Megan Blissick: Lorsque nous garantissons une commande, nous présumons qu’il y a un client légitime derrière. Si nous nous trompons, nous remboursons au commerçant le coût du produit, de l’expédition, des taxes, des frais et des droits de douane. Celui-ci est ainsi entièrement remboursé. Voilà qui permet de favoriser le commerce transfrontalier. 

Le commerce transfrontalier connaît les mêmes niveaux de fraude que le commerce à l’intérieur des frontières, mais les taux de rejet de la part des marchands sont trois fois plus élevés. Ceux-ci doivent en effet tenir compte des droits de douane, des autres frais et de la conversion des devises. En outre, il est beaucoup plus difficile de retrouver un produit volé lorsque la transaction émane de l’étranger. Le risque est donc plus important. 

Lorsque nous avons commencé à offrir des garanties, c’était parce que nous voyions des commandes légitimes être refusées par les commerçants, qui avaient peur de perdre au change. Or, il s’agissait souvent de transactions élevées. Nous offrons donc des garanties pour les commandes à six chiffres et les commerçants constatent désormais une augmentation de 4 à 6 % de leurs revenus parce qu’ils acceptent plus de commandes. 

La tendance du direct au consommateur (D2C)


Absolunet :
Traditionnellement, Signifyd est active dans le domaine de la vente au détail. Cela a-t-il changé? 

Megan Blissick : Une grande partie des ventes B2B traditionnelles se déplacent en ligne. Il est vrai que les relations avec les distributeurs sont basées sur des interactions en personne, mais aujourd’hui, les commerçants B2B traditionnels voient l’intérêt de créer une boutique en ligne et de vendre directement aux consommateurs. Il faut savoir qu’il existe de très grosses marques établies qui n’ont jamais eu leur propre présence en ligne! Signifyd a ainsi commencé à servir les fabricants, en particulier ceux qui font leur première incursion dans le eCommerce et la vente directe au consommateur. 

Absolunet : Megan, merci d’avoir passé en revue toutes ces informations avec nous! De grands changements sont en cours dans le monde du commerce. Avez-vous autre chose à partager pour conclure?

Megan Blissick : L’une des valeurs fondamentales de Signifyd est la compassion. Les bonnes expériences commerciales sont en fait guidées par la compassion. En prêtant attention à ce que les clients demandent et en mettant à leur disposition des expériences omnicanales, les commerçants peuvent s’arrimer à leurs besoins. Dans cet ordre d’idée, on ne peut pas imposer le fardeau de la prévention de la fraude aux clients si l’on souhaite créer des expériences omnicanales fructueuses et vendre à l’international ou directement au consommateur.